Algèbre bilinéaire

Dans tout ce chapitre, \( E \) désigne un espace vectoriel réel.

Produit scalaire, norme euclidienne

Forme bilinéaire symétrique : définition et propriétés
Définition

On dit que \(\varphi\) est une forme bilinéaire symétrique sur \( E \) si :

  • \( \varphi \) est une application de \( E^2 \) dans \( \mathbb{R} \) (forme),
  • pour tout \(y \in E\), l’application \(\varphi(\cdot, y): x \mapsto \varphi(x, y)\) est linéaire et, pour tout \(x \in E\), l’application \(\varphi(x, \cdot): y \mapsto \varphi(x, y)\) est linéaire (bilinéarité),
  • \( \forall(x, y) \in E^2, \ \varphi(x, y)=\varphi(y, x) \) (symétrie).

Propriétés

Si \(\varphi\) est une forme bilinéaire sur \(E^2\), alors :

  • pour tout vecteur \(x\) de \(E\), on a : \[ \varphi(x, 0)=\varphi(0, x)=0 \]
  • si \(\left(x_i\right)_{1 \leqslant i \leqslant p}\) et \(\left(y_j\right)_{1 \leqslant j \leqslant q}\) sont deux familles de vecteurs de \(E\) et si \(\left(\lambda_i\right)_{1 \leqslant i \leqslant p}\) et \(\left(\mu_j\right)_{1 \leqslant j \leqslant q}\) sont deux familles de réels, alors : \[ \varphi \! \left(\sum_{i=1}^p \lambda_i x_i, \sum_{j=1}^q \mu_j y_j\right)=\sum_{i=1}^p \sum_{j=1}^q \lambda_i \mu_j \varphi(x_i, y_j) \]
  • Si \(\varphi\) est une forme symétrique sur \(E^2\), alors les assertions suivantes sont équivalentes : \(\varphi\) est une forme bilinéaire sur \(E^2\), pour tout \(y \in E\), l’application \(\varphi(\cdot, y): x \mapsto \varphi(x, y)\) est linéaire, pour tout \(x \in E\), l’application \(\varphi(x, \cdot): y \mapsto \varphi(x, y)\) est linéaire.

Forme quadratique définie positive : définitions

Soit \(\varphi\) une forme bilinéaire symétrique sur \(E^2\). L’application.\( q : x \mapsto \varphi(x,x) \) est appelée forme quadratique associée à \(\varphi\) et on dit que :

  • \( q\) est positive si : \[ \forall x \in E, \ q(x) \geqslant 0 \]
  • \( q\) est définie si, lorsque \(x\) appartient à \(E\) :\[ q(x)=0 \Leftrightarrow x=0 \]
  • \(q\) est définie positive si elle est définie et positive sur \(E\).

Produit scalaire : définition et exemples
Définition

On dit que \(\varphi\) est un produit scalaire sur \(E\) si :

  • \(\varphi\) est une forme bilinéaire symétrique sur \(E^2\) et si :
  • la forme quadratique associée à \(\varphi\) est définie positive.

Pour tout couple \((x, y)\) d’éléments de \(E\), le réel \(\varphi(x, y)\) est appelé produit scalaire des vecteurs \(x\) et \(y\) et, lorsqu’il n’y a pas de confusion possible, ce produit scalaire sera noté \(\langle x, y\rangle\).

Exemples
  • Si \(E=\mathbb{R}^n\), l’application \( \displaystyle \varphi:\left((x_i)_{1 \leqslant i \leqslant n},(y_i)_{1 \leqslant i \leqslant n}\right) \mapsto \sum_{i=1}^n x_i y_i\) est un produit scalaire sur \(E\), appelé produit scalaire canonique sur \(\mathbb{R}^n\).
  • Si \(E=\mathcal{M}_{n, 1}(\mathbb{R})\), l’application \(\varphi:(X, Y) \mapsto {}^t \! X Y\) est un produit scalaire sur \(E\), appelé produit scalaire canonique sur \(\mathcal{M}_{n, 1}(\mathbb{R})\).
  • Si \(E=\mathcal{C}^0([a, b], \mathbb{R})\) (où \(a\) et \(b\) sont deux réels tels que \(a<b\) ), l’application \( \displaystyle \varphi:(f, g) \mapsto \int_a^b f(t) \, g(t) \, \mathrm{d} t\) est un produit scalaire sur \(E\).

Norme euclidienne : définitions et propriétés
Définitions
  • Étant donné un produit scalaire \(\varphi\) sur \(E\) et \(q\) la forme quadratique associée, on appelle norme euclidienne associée à \(\varphi\) l’application \(N\) définie sur \(E\) par : \[ \forall x \in E, N(x)=\sqrt{\varphi(x, x)} \]
  • Plus généralement, on dira qu’une application \(N\) définie sur \(E\) est une norme euclidienne sur \(E\) s’il existe un produit scalaire dont \(N\) soit la norme euclidienne associée.
  • Pour tout élément \(x\) de \(E, N(x)\) est appelé norme du vecteur \(x\) et, lorsqu’il n’y a pas de confusion possible, on notera : \[ N(x)=\|x\| \] Étant donné un produit scalaire \(\varphi\) sur \(E\), on dit qu’un vecteur \(x\) de \(E\) est normé (ou, plus rarement, unitaire) si : \[ \|x\|=1 \]

Propriétés

Soit \(\langle\cdot, \cdot\rangle\) un produit scalaire sur \(E\) et \(\|\cdot\|\) sa norme euclidienne associée. On a :

  • \(\forall x \in E, \forall \lambda \in \mathbb{R},\|\lambda x\|=|\lambda|\|x\|\),
  • \(\forall x \in E,\|x\| \geqslant 0\),
  • \(\forall x \in E,(\|x\|=0 \Leftrightarrow x=0)\),
  • \(\forall(x, y) \in E^2,\|x+y\|^2=\|x\|^2+2\langle x, y\rangle+\|y\|^2\).

Expression d’un produit scalaire en fonction de normes

Expression d’un produit scalaire en fonction de normes

Soit \(\langle\cdot, \cdot\rangle\) un produit scalaire sur \(E\) et \(\|\cdot\|\) sa norme euclidienne associée. On a :

\[ \forall(x, y) \in E^2,\langle x, y\rangle=\dfrac{\|x+y\|^2-\|x\|^2-\|y\|^2}{2}\]

Inégalité de Cauchy-Schwarz

Soit \(\langle\cdot, \cdot\rangle\) un produit scalaire sur \(E\) et \(\|\cdot\|\) sa norme euclidienne associée. On a : \[ \forall(x, y) \in E^2,|\langle x, y\rangle| \leqslant\|x\| \cdot\|y\| \]

De plus l’égalité \(|\langle x, y\rangle|=\|x\| \cdot\|y\|\) a lieu si et seulement si la famille \((x, y)\) est liée.

Orthogonalité

Vecteurs orthogonaux : définition

Deux vecteurs \(x\) et \(y\) de \(E\) sont dits orthogonaux pour le produit scalaire \(\langle\cdot, \cdot\rangle\) si : \[ \langle x, y\rangle=0 \] Si les vecteurs \(x\) et \(y\) sont orthogonaux, on note : \(x \perp y\).

Théorème de Pythagore

Étant donnés deux vecteurs \(x\) et \(y\) de \(E\), on a : \[ x \perp y \Leftrightarrow\|x+y\|^2=\|x\|^2+\|y\|^2 \]

Sous-espaces vectoriels orthogonaux : définition et propriétés
Définition

On dit que deux sous-espaces vectoriels \(F\) et \(G\) de \(E\) sont orthogonaux pour \(\langle\cdot, \cdot\rangle\) et l’on note \(F \perp G\) si tout vecteur de \(F\) est orthogonal à tout vecteur de \(G\); autrement dit : \[ F \perp G \Leftrightarrow \forall(x, y) \in F \times G,\langle x, y\rangle=0 \]

Propriétés

Soit \(F\) et \(G\) deux sous-espaces vectoriels de \(E\).

  • Si \(\mathcal{B}_F=\left(f_i\right)_{1 \leqslant i \leqslant n}\) est une base de \(F\) et si \(\mathcal{B}_G=\left(g_j\right)_{1 \leqslant j \leqslant p}\) est une base de \(G\), \(F\) et \(G\) sont orthogonaux si et seulement si tout vecteur de \(\mathcal{B}_F\) est orthogonal à tout vecteur de \(\mathcal{B}_G\); autrement dit : \[ F \perp G \Longleftrightarrow \forall(i, j) \in \left[\kern-0.15em\left[ {1,n} \right]\kern-0.15em\right] \times \left[\kern-0.15em\left[ {1,p} \right]\kern-0.15em\right] f_i \perp g_j \]
  • Si \(F\) et \(G\) sont orthogonaux, ils sont en somme directe ; autrement dit : \[ F \perp G \Rightarrow F+G=F \oplus G \] En conséquence, si \(F\) et \(G\) sont orthogonaux, la concaténation d’une famille libre de \(F\) et d’une famille libre de \(G\) est une famille libre.

Supplémentaire orthogonal d’un sous-espace vectoriel : définition et propriétés
Définition

Soit \(F\) un sous espace vectoriel de \(E\). On appelle orthogonal de \(F\) l’ensemble \(F^{\perp}\) des vecteurs de \(E\) orthogonaux à tous les vecteurs de \(F \) : \[ F^{\perp}=\{x \in E \ / \ \forall y \in F, \ x \perp y\} \]

Propriétés
  • Si \(F\) est un sous-espace vectoriel de \(E, F^{\perp}\) est un sous-espace vectoriel de \(E\).
  • Si de plus \(F\) est de dimension finie \(p \geqslant 1\) et admet pour base \(\left(e_i\right)_{1 \leqslant i \leqslant p}\), alors : \[ F^{\perp}=\left\{x \in E \ / \ \forall i \in \left[\kern-0.15em\left[ {1,p} \right]\kern-0.15em\right],\ x \perp e_i\right\} \]

Familles orthogonales, orthonormales : définition et propriétés
Définition

Soit \(\left(x_i\right)_{1 \leqslant i \leqslant n}\) une famille de vecteurs de \(E\). On dit que :

  • La famille \(\left(x_i\right)_{1 \leqslant i \leqslant n}\) est une famille orthogonale pour le produit scalaire \(\langle\cdot, \cdot\rangle\) si : \[ \forall(i, j) \in \left[\kern-0.15em\left[ {1,n} \right]\kern-0.15em\right]^2, \ i \neq j \Rightarrow x_i \perp x_j \]
  • La famille \(\left(x_i\right)_{1 \leqslant i \leqslant n}\) est une famille orthonormale pour le produit scalaire \(\langle\cdot, \cdot\rangle\) si : \[ \forall(i, j) \in \left[\kern-0.15em\left[ {1,n} \right]\kern-0.15em\right]^2, \ \left\langle x_i, x_j\right\rangle=\delta_{i, j}= \begin{cases}1 & \text { si } i=j \\ 0 & \text { si } i \neq j\end{cases} \]

Propriétés

Soit \(\left(x_i\right)_{1 \leqslant i \leqslant n}\) une famille de vecteurs de \(E\).

  • Si la famille \(\left(x_i\right)_{1 \leqslant i \leqslant n}\) est orthogonale et ne contient pas le vecteur nul, alors elle est libre.
  • Si la famille \(\left(x_i\right)_{1 \leqslant i \leqslant n}\) est orthonormale, alors elle est libre.

Espaces euclidiens

Espace euclidien : définition

On appelle espace euclidien tout couple \((E, \varphi)\) où \(E\) est un espace vectoriel de dimension finie non nulle et \(\varphi\) est un produit scalaire sur \(E\).

Bases orthogonales, orthonormales : définition et propriétés

Définition

Soit \(\left(e_i\right)_{1 \leqslant i \leqslant n}\) une famille de \(n\) vecteurs de \(E\). On dit que :

  • \(\left(e_i\right)_{1 \leqslant i \leqslant n}\) est une base orthogonale de \(E\) si elle est orthogonale et forme une base de \(E\),
  • \(\left(e_i\right)_{1 \leqslant i \leqslant n}\) est une base orthonormale de \(E\) si elle est orthonormale et forme une base de \(E\).

Propriétés

Si \(E\) est un espace euclidien de dimension \(n\), alors :

  • \( E \) possède une base orthonormale.
  • Toute famille orthogonale de \(n\) vecteurs non nuls de \(E\) est une base orthogonale de \(E\).
  • Toute famille orthonormale de \(n\) vecteurs de \(E\) est une base orthonormale de \(E\).

Théorème de la base orthonormale incomplète

Si \(\left(e_i\right)_{1 \leqslant i \leqslant p}\) est une famille orthonormale de \(p\) vecteurs de \(E\) (avec \(1 \leqslant p<n\)), il existe \(n-p\) vecteurs \(e_{p+1}, \ldots, e_n\) de \(E\) tels que la famille \(\left(e_i\right)_{1 \leqslant i \leqslant n}\) soit une base orthonormale de \(E\).

Coordonnées d’un vecteur en base orthonormale

Si \(\left(e_i\right)_{1 \leqslant i \leqslant n}\) est une base orthonormale de l’espace euclidien \(E\), alors : \[ \forall x \in E, \ x=\sum_{i=1}^n\left\langle x, e_i\right\rangle e_i \]

Écriture du produit scalaire et de la norme en base orthonormale

Si \( \left(e_i\right)_{1 \leqslant i \leqslant n}\) est une base orthonormale de l’espace euclidien \(E\), alors :

  • \( \displaystyle \forall(x, y) \in E^2, \ \langle x, y\rangle=\sum_{i=1}^n\left\langle x, e_i\right\rangle\left\langle y, e_i\right\rangle\)
  • \(\forall x \in E, \ \displaystyle \|x\|=\sqrt{\sum_{i=1}^n\left\langle x, e_i\right\rangle^2}\)
  • Autrement dit, si \(x\) et \(y\) sont deux vecteurs de \(E\) dont les colonnes des coordonnées respectives dans la base orthonormale \(\left(e_i\right)_{1 \leqslant i \leqslant n}\) sont \(X\) et \(Y\), alors : \[ \langle x, y\rangle={ }^t \! X Y \quad \text { et } \quad\|x\|^2={ }^t \! X X \]

Matrice orthogonale : définition et propriétés
Définition

On appelle matrice orthogonale toute matrice \(P\) inversible telle que : \(P^{-1}={ }^t \! P\).

Propriétés

Si \(\left(e_i\right)_{1 \leqslant i \leqslant n}\) et \(\left(\varepsilon_i\right)_{1 \leqslant i \leqslant n}\) sont deux bases orthonormales de l’espace euclidien \(E\), alors la matrice de passage de la base \(\left(e_i\right)_{1 \leqslant i \leqslant n}\) à la base \(\left(\varepsilon_i\right)_{1 \leqslant i \leqslant n}\) est une matrice orthogonale.

error: Ce contenu est protégé !