Généralités sur les VAR finies
Quand on étudie un phénomène aléatoire, il arrive fréquemment que l’on soit conduit à étudier des grandeurs numériques associées à cette expérience (gain à une loterie, nombre de face obtenus dans une suite de lancers de pièce, …). C’est dans ce cadre que l’on est en général amené à définir une variable aléatoire : en termes simples, une variable aléatoire réelle sera une application \(X\) qui, à une résultat \(\omega\) de l’expérience, fait correspondre un nombre réel \(X(\omega)\).
Considérons par exemple le jeu suivant : on lance une pièce équilibrée \(10\) fois et un joueur parie sur le nombre de face apparaissant. Il peut être intéressant, avant de parier, de déterminer quel nombre a le plus de chance d’apparaître.
Le nombre de face obtenu étant fonction du résultat de l’expérience, on peut modéliser l’expérience en posant : \[\Omega=\{P,F\}^{10} \quad\text{et}\quad\mathcal{P}(\Omega)=\mathscr P(\Omega)\]
\((\Omega,\mathcal{P}(\Omega))\) est un espace probabilisable que l’on munit de la probabilité uniforme \(\mathbb{P}\) (puisque la pièce est supposée équilibrée). On peut également définir l’application \(X\) qui à un résultat associe le nombre de face obtenus. On cherche, pour tout \(k\in\left[\kern-0.15em\left[ {1,10} \right]\kern-0.15em\right]\), la probabilité de l’événement \(X\) prend la valeur \(k\) , c’est-à-dire, en pratique, de l’événement : \[X^{-1}(\{k\})=\{\omega\in\Omega \ / \ X(\omega)=k\}\] Pour simplifier, cet événement sera noté \(\{X=k\}\) ou \([X=k]\).
On peut remarquer qu’il y a \(2^{10}\) suites de \(10\) lancers possibles (\(2\) résultats possibles à chacun des \(10\) lancers), toutes équiprobables et que, parmi celles-ci \(\binom {10}k\) mènent à la réalisation de l’événement \([X=k]\) (autant que de choix des \(k\) lancers donnant face , les \(10-k\) autres donnant alors nécessairement pile ), on a donc : \[\forall k\in\left[\kern-0.15em\left[ {1,10} \right]\kern-0.15em\right],\ \mathbb{P}([X=k])=\frac{\binom{10}k}{2^{10}}\] Dès lors, pour répondre à la question initiale, on est conduit à étudier les variations de la suite \((\mathbb{P}(X=k))_{0\leqslant k\leqslant 10}\). Or cette suite est strictement positive et, pour \(k\in\left[\kern-0.15em\left[ {0,9} \right]\kern-0.15em\right]\) : \[\begin{aligned} \frac{\mathbb{P}(X=k+1])}{\mathbb{P}([X=k])} &= \frac{\binom{10}{k+1}}{\binom{10}k}\\ &= \frac{10-k}{k+1} \end{aligned}\] Par conséquent, on a : \[\begin{aligned} \frac{\mathbb{P}(X=k+1])}{\mathbb{P}([X=k])}>1 &\Longleftrightarrow\frac{10-k}{k+1}>1\\ &\Longleftrightarrow 10-k>k+1\\ &\Longleftrightarrow k<\frac{9}{2} \end{aligned}\] On a donc : \begin{multline*} \mathbb{P}([X=0])<\mathbb{P}([X=1])<\mathbb{P}([X=2])\\<\mathbb{P}([X=3])<\mathbb{P}([X=4])<\mathbb{P}([X=5]) \end{multline*} et : \begin{multline*} \mathbb{P}([X=5])>\mathbb{P}([X=6])>\mathbb{P}([X=7])\\>\mathbb{P}([X=8])>\mathbb{P}([X=9])>\mathbb{P}([X=10]) \end{multline*}
Si le joueur veut avoir la plus grande probabilité de gagner, il a donc intérêt à parier qu’il y aura \(5\) face (ce que certains auraient sans doute deviné intuitivement…mais qui n’est plus vrai si la pièce est truquée).
L’objectif de ce chapitre est de se donner quelques outils pour étudier le comportement de ces grandeurs réelles régies par des phénomènes aléatoires.
Généralités
Dans tout ce chapitre, \(\Omega\) désigne un ensemble fini non vide et \(\mathbb{P}\) une probabilité sur \((\Omega,\mathcal{P}(\Omega))\).
Définition
Définition
On appelle variable aléatoire réelle sur \((\Omega,\mathcal{P}(\Omega))\) toute application \(X:\Omega\to \mathbb{R}\).
L’ensemble \(X(\Omega)\) des valeurs prises par \(X\) est appelé ensemble image, ou univers image, de \(X\).
Notations
Si \(X\) est une variable aléatoire sur \((\Omega,\mathcal{P}(\Omega))\) et si \(a\) et \(b\) sont deux réels tels que \(a<b\), \(X^{-1}(\{a\}\), \(X^{-1}(]{-\infty},a]\), \(X^{-1}([a,b])\), \(X^{-1}(]a,b])\), \(X^{-1}(]a,b[)\), \(X^{-1}([b,{+\infty}[)\) et \(X^{-1}(]b,{+\infty}[),\dots\) sont donc des événements, et l’on adopte les notations suivantes :
\([X=a]\) désigne l’événement \(X^{-1}(\{a\})=\{\omega\in\Omega \ / \ X(\omega)=a\}\),
\([X\leqslant a]\) désigne l’événement \(X^{-1}(]{-\infty},a])=\{\omega\in\Omega \ / \ X(\omega)\leqslant a\}\),
\([a \leqslant X \leqslant b]\) désigne l’événement \(X^{-1}([a,b])=\{\omega\in\Omega \ / \ a \leqslant X(\omega) \leqslant b\}\),
\(\dots\)
Exemple
Si on effectue une suite de \(4\) lancers indépendants d’une pièce équilibrée et si on note \(\Omega=\{P,F\}^4\) et \(\mathcal{P}(\Omega)=\mathscr P(\Omega)\), alors l’application \(X\) qui à tout élément \(\omega\) de \(\Omega\) associe le nombre de pile obtenus dans la suite de résultats \(\omega\) est une variable aléatoire sur \((\Omega,\mathcal{P}(\Omega))\).
De plus, \(X(\Omega)=\left[\kern-0.15em\left[ {0,4} \right]\kern-0.15em\right]\) est fini, donc \(X\) est une variable aléatoire discrète finie.
Dans cet exemple, on a donc, par exemple : \[[X=3]=\{(P,P,P,F),(P,P,F,P),(P,F,P,P),(F,P,P,P)\}\] et : \[[X<2]=\{(F,F,F,F),(P,F,F,F),(F,P,F,F),(F,F,P,F),(F,F,F,P)\}\]
Remarques
Attention au vocabulaire : si \(X\) est une variable aléatoire sur \((\Omega,\mathcal{P}(\Omega))\), \(X\) est donc une application, \(\Omega\) est son ensemble de définition et \(X(\Omega)\) est son ensemble image (aussi appelé ensemble des valeurs prises par \(X\)). On se gardera donc de parler d’un obscur univers de \(X\) , qui n’a pas de sens.
On rappelle que l’écriture \(X^{-1}(\{k\})\) ne signifie pas que \(X\) est bijective (ce qui est rarissime pour une variable aléatoire) : il s’agit d’une notation pour parler de l’ensemble des antécédents de \(k\) par \(X\), i.e. de l’image réciproque de \(k\) par \(X\).
Si \(X\) est une variable aléatoire et s’il existe un réel \(a\) tel que \(X(\Omega)=\{a\}\), on dit que \(X\) est une variable aléatoire constante (ou certaine) égale à \(a\).
Loi de probabilité d’une variable aléatoire discrète
Dans cette section, \((\Omega,\mathcal{P}(\Omega),\mathbb{P})\) désigne un espace probabilisé tel que \(\Omega\) soit un ensemble fini et \(X\) est une variable aléatoire sur \((\Omega,\mathcal{P}(\Omega))\).
Définition
Déterminer la loi d’une variable aléatoire \(X\) sur \((\Omega,\mathcal{P}(\Omega),\mathbb{P})\), c’est déterminer l’ensemble \(X(\Omega)\) et, pour tout réel \(x\) appartenant à \(X(\Omega)\), la probabilité \(\mathbb{P}( X=x )\).
Exercice
On effectue trois lancers indépendants d’une pièce équilibrée et on note \(X\) la variable aléatoire égale au nombre de face obtenus. Déterminer la loi de \(X\).
Solution
Comme on effectue trois lancers indépendants d’une pièce équilibrée, il est naturel d’envisager l’espace probabilisé \((\Omega,\mathcal{P}(\Omega),\mathbb{P})\) où \(\Omega=\{P,F\}^3\), \(\mathcal{P}(\Omega)=\mathscr P(\Omega)\) et \(\mathbb{P}\) est la probabilité uniforme sur \((\Omega,\mathcal{P}(\Omega))\).
On peut déjà remarquer que \(X\) est une application de \(\Omega\) dans \(\mathbb{R}\) donc, comme \(\mathcal{P}(\Omega)=\mathscr P(\Omega)\), \(X\) est bien une variable aléatoire sur \((\Omega,\mathcal{P}(\Omega))\).
Par ailleurs, le nombre de face obtenus en trois lancers est nécessairement un nombre entier de \(\{0,1,2,3\}\) donc \(X\) prend ses valeurs dans \(\left[\kern-0.15em\left[ {0,3} \right]\kern-0.15em\right]\). Déterminer la loi de \(X\) revient alors à calculer les probabilités \(\mathbb{P}(X=k)\) lorsque \(k\in\left[\kern-0.15em\left[ {0,3} \right]\kern-0.15em\right]\).
Enfin, on peut remarquer que : \[\begin{aligned} &[X=0]=\{(P,P,P)\} \\& [X=1]=\{(F,P,P),(P,F,P),(P,P,F)\}\\ & [X=2]=\{(F,F,P),(F,P,F),(P,F,F)\}\\ &[X=3]=\{(F,F,F)\} \end{aligned}\]
et donc, comme la probabilité \(\mathbb{P}\) est uniforme : \[\mathbb{P}(X=0)=\mathbb{P}(X=3)=\frac{1}{8} \quad\text{et}\quad\mathbb{P}(X=1)=\mathbb{P}(X=2)=\frac{3}{8}\]
Ainsi, la loi de \(X\) est caractérisée par la donnée du tableau suivant :\[\begin{array}{|c| c|c| c|c| } \hline k & 0 & 1 & 2 & 3 \\ \hline \mathbb{P}(X=k) & \dfrac{1}{8} & \dfrac{3}{8} & \dfrac{3}{8} & \dfrac{1}{8} \rule[0pt]{0pt}{15pt}\\ \hline \end{array}\]
Remarques
Attention, deux variables aléatoires peuvent suivre la même loi sans être égales : par exemple, si on effectue un unique lancer d’une pièce équilibrée et que l’on note \(X\) (respectivement \(Y\)) la variable aléatoire égale à \(1\) si on a obtenu pile (resp. face ) et à \(0\) sinon, \(X\) et \(Y\) suivent la même loi, mais ne sont pas égales puisque, quand l’une est égale à \(1\), l’autre est égale à \(0\). On a même : \(Y=1-X\).
L’ensemble \(S(X) = \{ x\in\mathbb{R},\ \mathbb{P}(X=x) \neq 0\}\) est appelé support de \(X\) (terme hors programme).
Système complet associé à une variable aléatoire finie
Dans cette section, \((\Omega,\mathcal{P}(\Omega))\) désigne un espace probabilisable tel que \(\Omega\) soit fini et \(X\) une variable aléatoire.
Proposition
Si \(X\) est une variable aléatoire discrète, la famille \(([X=x])_{x \in X(\Omega)}\) est un système complet d’événement, appelé système complet d’événements associé à \(X\).
Preuve
Comme \(X\) est une application de \(\Omega\) dans \(\mathbb{R}\), les événements de l’ensemble \(\{[X=x],\,x\in X(\Omega)\}\) sont deux à deux incompatibles, non impossibles et, par définition, on a : \[\begin{aligned} \bigcup_{x\in X(\Omega)} [X=x] &= \bigcup_{x\in X(\Omega)} \{\omega \in\Omega \ / \ X(\omega)=x\}\\ &=\Omega \end{aligned}\] ce qui prouve le résultat annoncé.
Fonction d’une variable aléatoire finie
Soit \((\Omega,\mathcal{P}(\Omega),\mathbb{P})\) un espace probabilisé et \(X\) une variable aléatoire.
Théorème
Si \(\varphi\) est une application de \(X(\Omega)\) dans \(\mathbb{R}\), alors l’application \(\varphi \circ X\), aussi notée \(\varphi(X)\), est une variable aléatoire sur \((\Omega,\mathcal{P}(\Omega))\).
Exemple
Si \(X\) est une variable aléatoire alors, pour tout couple \((a,b)\) de réels, \(aX+b\), \(X^2\), \(\mathrm{e}^X,\dots\) sont des variables aléatoires.
Proposition
Si \(\varphi\) est une application de \(X(\Omega)\) dans \(\mathbb{R}\), alors la loi de \(Y=g(X)\) est donnée par : \[Y(\Omega)=\{g(x),\, x\in X(\Omega)\} \quad\text{et}\quad\forall y\in Y(\Omega),\ \mathbb{P}(Y=y)=\sum_{\substack{ x\in X(\Omega)\\ g(x)=y}} \mathbb{P}(X=x)\]