Utilisation d’une fonction
Il arrive fréquemment que l’on ne soit pas en mesure de déterminer précisément les solutions d’une équation, mais que la seule connaissance de leur nombre et éventuellement moins un encadrement de ces solutions éventuelles, soit suffisants pour le problème étudié. De même, il arrive fréquemment que le signe d’une expression ou qu’une comparaison entre deux expressions ne soit pas évidente à effectuer. Dans ces cas de figure, il est souvent intéressant d’étudier des fonctions.
L’objectif est ici de rappeler les résultats fondamentaux. Les notions de limites, de continuité et de dérivabilité seront redéfinies plus rigoureusement ultérieurement et l’on se contente pour le moment de rappeler que :
les fonctions usuelles (polynômes, rationnelles, trigonométriques, racine carrée, exponentielle, logarithme, puissances) sont continues sur leur domaine de définition,
la somme, le produit, le quotient (dont le dénominateur ne s’annule pas sur \(I\)) de fonctions continues sur un intervalle \(I\) de \(\mathbb{R}\) est une fonction continue sur \(I\),
si \(f\) est une fonction continue sur un intervalle \(I\) de \(\mathbb{R}\), à valeurs dans un intervalle \(J\) et si \(g\) est une fonction continue sur \(J\), alors \(g\circ f\) est continue sur \(I\).
Dérivées des fonctions usuelles
Dans le tableau suivant, \(f\) est une fonction dérivable en tout point d’une partie \(D\) de \(\mathbb{R}\), \(f'\) désigne la dérivée de \(f\) sur \(D\), \(n\) est un entier relatif, \(\alpha\) est un réel strictement positif et \(c\) une constante réelle. \[ \begin{array}{|c|c|c|} \hline f &f’& D \\ \hline x\mapsto c & \quad x\mapsto 0 \quad & \mathbb{R} \\ \hline x\mapsto x^n \ (n\in\mathbb{N}^*) & \quad x\mapsto n x^{n-1} \quad & \mathbb{R} \\ \hline x\mapsto \dfrac{1}{x} & x\mapsto -\dfrac{1}{x^2} & \mathbb{R}^* \\ \hline x\mapsto x^n \ (n\in\mathbb{Z}) & x\mapsto n x^{n-1} & \quad \mathbb{R}^* \quad \\ \hline x\mapsto \sqrt{x} & x\mapsto \dfrac{1}{2\sqrt{x}} & \mathbb{R}_+^* \\ \hline x\mapsto x^\alpha \ (\alpha \in\mathbb{R}) & x\mapsto \alpha x^{\alpha-1} & \mathbb{R}_+^* \\ \hline x\mapsto \ln(x) & x\mapsto \dfrac{1}{x} & \mathbb{R}_+^* \\ \hline x\mapsto \mathrm{e}^x & x\mapsto \mathrm{e}^x & \mathbb{R} \\ \hline \cos & -\sin & \mathbb{R} \\ \hline \sin & \cos & \mathbb{R} \\ \hline \tan & x\mapsto 1+\tan^2(x) & \mathbb{R}\setminus \left\lbrace \dfrac{\pi}{2}+ k\pi,\, k\in\mathbb{Z}\right\rbrace \\ \hline \end{array} \]
Opérations sur les dérivées
Si \(u\) et \(v\) sont deux fonctions dérivables sur un intervalle \(I\) de \(\mathbb{R}\), alors : \[ \begin{array}{|c|} \hline \forall \lambda \in\mathbb{R},\ (\lambda u)’=\lambda u’ \\ \hline (u+v)’ = u’+v’ \\ \hline (u\times v)’ = u’ \times v + u\times v’ \\ \hline \left(\dfrac{1}{v}\right)^\prime = -\dfrac{v’}{v^2} \quad \text{ si } v \text{ ne s’annule pas sur } I \\ \hline \left(\dfrac{u}{v}\right)^\prime =\dfrac{u’v-uv’}{v^2}\quad \text{ si } v \text{ ne s’annule pas sur } I\\ \hline \end{array} \]
Si \(u\) est une fonction dérivable sur un intervalle \(I\) de \(\mathbb{R}\), à valeurs dans un intervalle \(J\) et si \(v\) est une fonction dérivable sur \(J\), alors : \[ \begin{array}{|c|} \hline (v \circ u)’= u’\times v’\circ u \\ \hline \end{array} \]
En particulier, si \(u\) est dérivable sur \(I\), à valeurs dans \(J\), on a : \[ \begin{array}{|c|c|} \hline \text{formule} & J \\ \hline (u^n)’=nu’u^{n-1} \ ( n\in\mathbb{N}^*) & \mathbb{R} \\ \hline (\mathrm{e}^u)’=u’\,\mathrm{e}^u & \mathbb{R} \\ \hline (\ln(u))’=\dfrac{u’}{u} & \mathbb{R}_+^* \\ \hline (\sqrt{u})’=\dfrac{u’}{2\sqrt{u}} & \mathbb{R}_+^* \\ \hline \end{array} \]
Sens de variation d’une fonction dérivable
Théorème
Soit \(f\) une fonction dérivable sur un intervalle \(I\) de \(\mathbb{R}\).
Si \(f'\) est positive sur \(I\), alors \(f\) est croissante sur \(I\),
Si \(f'\) est strictement positive sur \(I\) (sauf éventuellement sur un ensemble fini ou dénombrable), alors \(f\) est strictement croissante sur \(I\),
Si \(f'\) est négative sur \(I\), alors \(f\) est décroissante sur \(I\),
Si \(f'\) est strictement négative sur \(I\) (sauf éventuellement sur un ensemble fini ou dénombrable), alors \(f\) est strictement décroissante sur \(I\).
Nombre de solutions d’une équation
Théorème
Théorème des valeurs intermédiaires Si \(f\) est une fonction continue sur un intervalle \(I\) de \(\mathbb{R}\) et si \(a\) et \(b\) sont deux éléments de \(I\), alors, pour tout réel \(d\) compris entre \(f(a)\) et \(f(b)\), il existe au moins un réel \(c\) compris entre \(a\) et \(b\) tel que : \(f(c)=d\).
En particulier, si \(f\) est une fonction continue et changeant de signe sur \(I\), alors \(f\) s’annule au moins une fois sur \(I\).
Remarque
Attention à ce théorème, qui permet le plus souvent d’affirmer qu’une fonction s’annule au moins une fois. Lorsqu’on cherche à déterminer précisément le nombre de solutions d’une équation, c’est le plus souvent sa conséquence qu’on utilise :
Théorème – Théorème de la bijection
Si \(f\) est une fonction continue et strictement monotone sur un intervalle \(I\) de \(\mathbb{R}\) (dont les bornes, finies ou infinies, sont notées \(a\) et \(b\)), alors \(f\) réalise une bijection de \(I\) sur \(f(I)\) et \(f(I)\) est un intervalle de même nature que \(I\) (ouvert, fermé, semi-ouvert) dont les bornes sont les limites respectives de \(f\) en \(a\) et en \(b\).
Méthode
Pour déterminer le nombre de solutions d’une équation de la forme \(f(x)=g(x)\), d’inconnue \(x\) appartenant à un intervalle \(I\) de \(\mathbb{R}\), on peut, lorsque les fonctions \(f\) et \(g\) sont dérivables sur \(I\), étudier les variations de la fonction \(f-g\) : en utilisant le théorème de la bijection sur chacun des intervalles où \(f-g\) est monotone, on pourra ainsi déterminer le nombre de fois où \(f-g\) s’annule.
Exemple
On s’intéresse au nombre de solutions de l’équation \(\mathrm{e}^{2x-1}=x+1\), d’inconnue \(x\) réelle. Ne sachant pas résoudre simplement cette équation, on étudie les variations de la fonction différence \(f:x\mapsto \mathrm{e}^{2x-1}-x-1\). \(f\) est une fonction dérivable sur \(\mathbb{R}\) comme somme de fonctions qui le sont et on a : \[\forall x\in\mathbb{R},\ f'(x)=2\,\mathrm{e}^{2x-1}-1\] et donc, pour tout réel \(x\) : \[\begin{aligned} f'(x) >0 &\Longleftrightarrow 2\,\mathrm{e}^{2x-1}>1\\ &\Longleftrightarrow\mathrm{e}^{2x-1}> \frac{1}{2} \end{aligned}\] et alors, la fonction \(\ln\) étant strictement croissante sur \(\mathbb{R}_+^*\) : \[\begin{aligned} f'(x) >0 &\Longleftrightarrow 2x-1 > -\ln(2)\\ &\Longleftrightarrow x> \frac{1-\ln(2)}{2} \end{aligned}\] On obtient de même, pour tout réel \(x\) : \[f'(x)<0 \Longleftrightarrow x< \frac{1-\ln(2)}{2}\] Par ailleurs, on peut remarquer que : \[\forall x\in\mathbb{R}^*,\ f(x)=\mathrm{e}^{2x}\left(\mathrm{e}^{-1}-x\,\mathrm{e}^{-2x}\right)-1.\] Or on sait que : \[\lim_{x\to {+\infty}} \mathrm{e}^{2x}= {+\infty}\quad\text{et}\quad\lim_{x\to {+\infty}} x\,\mathrm{e}^{-2x}=0\] donc on a, comme \(\mathrm{e}^{-1}>0\) : \[\lim_{x\to {+\infty}} f(x)= {+\infty}\] De plus, on a : \[\lim_{x\to {-\infty}} \mathrm{e}^{2x-1}=0\] donc : \[\lim_{x\to {-\infty}} f(x)={+\infty}\] ce qui nous permet de dresser le tableau de variations de \(f\), en notant \(x_0=\dfrac{1-\ln(2)}{2}\) :
Ainsi, \(f\) est continue et strictement monotone sur \(\left]{-\infty},x_0 \right]\) et sur \(\left]x_0,{+\infty}\right[\) donc réalise une bijection respectivement de \(\left]{-\infty},x_0 \right]\) sur \(\left[f(x_0),{+\infty}\right[\) et de \(\left]x_0,{+\infty}\right[\) sur \(\left]f(x_0),{+\infty}\right[\).
Enfin, on a : \[\begin{aligned} f(x_0) &= \exp\!\left(2\times \frac{1-\ln(2)}{2}-1\right)-\frac{1-\ln(2)}{2}-1\\ &= \frac{\ln(2)}{2}-1 \end{aligned}\] Finalement, comme \(2\leqslant \mathrm{e}\) et comme la fonction \(\ln\) est croissante sur \(\mathbb{R}_+^*\), on a : \[\begin{aligned} f(x_0) &\leqslant \frac{\ln(\mathrm{e})}{2}-1\\ &\leqslant -\frac{1}{2}\\ &<0 \end{aligned}\]
Cela implique que \(0\) appartient à \(\left]x_0,{+\infty}\right[\) donc admet exactement un antécédent par \(f\) sur \(\left]{-\infty},x_0 \right]\) et sur \(\left]x_0,{+\infty}\right[\), ce qui permet finalement de conclure que l’équation \(\mathrm{e}^{2x-1}=x+1\) admet exactement deux solutions réelles.
Comparaison de fonctions
On a vu que les méthodes pour résoudre une équation et une inéquation sont assez proches. De même, on propose donc la méthode suivante :
Méthode
Si \(f\) est une fonction définie sur une partie \(I\) de \(\mathbb{R}\), pour étudier le signe de \(f\), on peut étudier ses variations.
Si \(f\) et \(g\) sont deux fonctions définies sur une partie \(I\) de \(\mathbb{R}\), pour démontrer une inégalité de la forme \(\forall x\in I,\ f(x) \leqslant g(x)\) , on peut étudier le signe de la fonction \(f-g\) (ou \(g-f\)), par exemple en étudiant ses variations.
Exemple
On cherche à établir l’inégalité (classique !) : \(\forall x\in\mathbb{R}_+^*,\ \ln(x) \leqslant
x-1\). Pour cela, on peut étudier les variations de la fonction
\(f:x\mapsto \ln(x)-x+1\). \(f\) est une fonction dérivable sur \(\mathbb{R}_+^*\) comme somme de
fonctions qui le sont et on a : \[\begin{aligned}
\forall x\in\mathbb{R}_+^*,\ f'(x) &= \frac{1}{x}-1\\
&=\frac{1-x}{x}
\end{aligned}\] et donc :