Sommes finies
Dans cette partie, on considère un ensemble \(E\) , muni d’une addition et d’une multiplication associatives et commutatives, telles que la multiplication soit distributive sur l’addition. Dans un premier temps, on se limitera au cas où l’ensemble \(E\) est l’ensemble \(\mathbb{R}\) des nombres réels, mais on verra plus tard que les notations et résultats de ce paragraphe sont encore valables dans d’autres cas, par exemple dans le cas de l’ensemble des nombres complexes ou de l’ensemble des polynômes.
Sommes finies
Notations
Si \(n\) et \(p\) sont deux entiers relatifs tels que \(p \leqslant n\) et si \(x_p,x_{p+1},\dots, x_n\) sont \(n-p+1\) éléments de \(E\) , on note : \[\sum_{i=p}^n x_i = x_p+x_{p+1} + \cdots + x_n\]
Le \(i\) intervenant dans la somme est appelé indice de sommation.
On dit que l’indice de sommation est muet, c’est-à-dire que l’on a aussi : \[\sum_{k=p}^n x_k =\sum_{i=p}^n x_i = x_p+x_{p+1} + \cdots + x_n\]
Plus généralement, si \(I\) est une partie finie de \(\mathbb{Z}\) et si \((x_i)_{i\in I}\) est une famille d’éléments de \(E\) , on note \(\displaystyle\sum_{i\in I} x_i\) la somme de tous les éléments de la famille \((x_i)_{i\in I}\) .
Remarques
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En général, on convient de noter \(\displaystyle\sum_{i=p}^n x_i=0\) si \(p>n\) .
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Le plus souvent, l’indice de sommation sera un entier positif ou nul, mais il est possible qu’il soit négatif. Par exemple, on a : \[\sum_{i=-2}^4 i=(-2)+(-1)+0+1+2+3+4=7\]
Proposition
Opérations sur les sommes finies
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Si \(n\) et \(p\) sont deux entiers relatifs tels que \(p\leqslant n\) et si \(x_p,x_{p+1},\dots,x_{n+1}\) sont \(n-p+2\) éléments de \(E\) , on a : \[\sum_{i=p}^{n+1} x_i = \sum_{i=p}^n x_i +x_{n+1} = x_p+ \sum_{i=p+1}^{n+1} x_i =x_p+x_{p+1} + \cdots + x_n+x_{n+1}\]
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Étant données une partie \(I\) de \(\mathbb{Z}\) et deux familles \((x_i)_{i\in I}\) et \((y_i)_{i\in I}\) d’éléments de \(E\) , on a : \[\sum_{i\in I} (x_i+y_i) = \sum_{i\in I} x_i + \sum_{i\in I} y_i\]
Remarque
Ces propriétés sont des conséquences immédiates de la commutativité et de l’associativité de l’addition dans \(E\) .
Théorème – Sommes de référence
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\(\displaystyle\forall \lambda \in\mathbb{R},\ \forall n \in \mathbb{N}^\ast,\ \sum_{i=1}^n \lambda = \underbrace{\lambda+\lambda +\cdots +\lambda}_{n \text{ termes }}=n\lambda\) .
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\(\displaystyle\forall n \in \mathbb{N}^\ast,\ \sum_{k=1}^n k=\frac{n(n+1)}{2}\) .
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\(\displaystyle\forall n \in \mathbb{N}^\ast,\ \sum_{k=1}^n k^2=\frac{n(n+1)(2n+1)}{6}\) .
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\(\displaystyle\forall n \in \mathbb{N}^\ast,\ \sum_{k=1}^n k^3=\left[\frac{n(n+1)}{2}\right]^2\) .
Remarque
À propos des deux dernières égalités, le programme stipule que [ces] formules […] seront vues en exercice ; elles ne sont pas exigibles : il est donc important de savoir les démontrer. Cependant, comme elles sont utilisées dans un très grand nombre de situations, il nous a semblé préférable de les préciser ici.
Exercice
Démontrer le théorème.
Solution
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Pour tout entier naturel \(n\) non nul, on note \(\mathscr P(n)\) la proposition : \[\mathscr P(n): \text{ \og } \sum_{k=1}^n k=\frac{n(n+1)}{2} \text{ \fg}\] On démontre par récurrence que, pour tout \(n\in\mathbb{N}^\ast\) , \(\mathscr P(n)\) est vraie.
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Initialisation. Au rang \(n=1\) . On a : \[\sum_{k=1}^1 k=1 \quad\text{et}\quad\frac{1\times (1+1)}{2}=1\] donc \(\mathscr P(1)\) est vraie.
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Hérédité. Soit \(n\) un élément fixé de \(\mathbb{N}^\ast\) . On suppose que \(\mathscr P(n)\) est vraie et on cherche à prouver que \(\mathscr P(n+1)\) l’est aussi, c’est-à-dire que : \[\sum_{k=1}^{n+1} k=\frac{(n+1)(n+2)}{2}\] On remarque pour cela que : \[\begin{aligned} \sum_{k=1}^{n+1} k &= \sum_{k=1}^n k +(n+1) \end{aligned}\] et donc, d’après \(\mathscr P(n)\) : \[\begin{aligned} \sum_{k=1}^{n+1} k &= \frac{n(n+1)}{2}+(n+1)\\ &=\frac{n(n+1)+2(n+1)}{2}\\ &=\frac{(n+1)(n+2)}{2} \end{aligned}\] ce qui prouve bien que : \(\mathscr P(n) \Rightarrow \mathscr P(n+1)\) .
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Finalement, on a prouvé par récurrence que, pour tout \(n\in\mathbb{N}^\ast\) , \(\mathscr P(n)\) est vraie, c’est-à-dire que :
\[\boxed{\forall n \in \mathbb{N}^\ast,\ \sum_{k=1}^n k=\frac{n(n+1)}{2}}\]
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Pour tout entier naturel \(n\) non nul, on note \(\mathscr H(n)\) la proposition : \[\mathscr H(n): \text{ \og } \sum_{k=1}^n k^2=\frac{n(n+1)(2n+1)}{6} \text{ \fg}\] On démontre par récurrence que, pour tout \(n\in\mathbb{N}^\ast\) , \(\mathscr H(n)\) est vraie.
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Initialisation. Au rang \(n=1\) . On a : \[\sum_{k=1}^1 k^2=1^2=1 \quad\text{et}\quad\frac{1\times (1+1)\times (2\times 1+1)}{6}=1\] donc \(\mathscr H(1)\) est vraie.
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Hérédité. Soit \(n\) un élément fixé de \(\mathbb{N}^\ast\) . On suppose que \(\mathscr H(n)\) est vraie et on cherche à prouver que \(\mathscr H(n+1)\) l’est aussi, c’est-à-dire que : \[\sum_{k=1}^{n+1} k^2=\frac{(n+1)(n+2)(2n+3)}{6}\] On remarque pour cela que : \[\begin{aligned} \sum_{k=1}^{n+1} k^2 &= \sum_{k=1}^n k^2 +(n+1)^2 \end{aligned}\] et donc, d’après \(\mathscr P(n)\) : \[\begin{aligned} \sum_{k=1}^{n+1} k^2 &= \frac{n(n+1)(2n+1)}{6}+(n+1)^2\\ &=\frac{(n+1)[n(2n+1)+6(n+1)]}{6}\\ &=\frac{(n+1)(2n^2+7n+6)}{6} \end{aligned}\]
Par ailleurs, on a : \[(n+2)(2n+3)=2n^2+3n+4n+6=2n^2+7n+6\] et donc : \[\sum_{k=1}^{n+1} k^2=\frac{(n+1)(n+2)(2n+3)}{6}\] ce qui prouve que : \(\mathscr H(n) \Rightarrow \mathscr H(n+1)\) .
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Finalement, on a prouvé par récurrence que, pour tout \(n\in\mathbb{N}^\ast\) , \(\mathscr H(n)\) est vraie, c’est-à-dire que :
\[\boxed{\forall n \in \mathbb{N}^\ast,\ \sum_{k=1}^n k^2=\frac{n(n+1)(2n+1)}{6}}\]
Remarque
Si l’on n’avait pas pensé à utiliser le résultat à démontrer (ce qui est toujours une bonne idée !), on aurait aussi pu déterminer les racines du trinôme du second degré \(2X^2+7X+6\) , par exemple en calculant son déterminant.
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Pour tout entier naturel \(n\) non nul, on note \(\mathscr Q(n)\) la proposition : \[\mathscr H(n): \text{ \og } \sum_{k=1}^n k^3=\left[\frac{n(n+1)}{2}\right]^2 \text{ \fg}\] On démontre par récurrence que, pour tout \(n\in\mathbb{N}^\ast\) , \(\mathscr Q(n)\) est vraie.
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Initialisation. Au rang \(n=1\) . On a : \[\sum_{k=1}^1 k^3=1^3=1 \quad\text{et}\quad\left[\frac{1\times (1+1)}{2}\right]^2=1\] donc \(\mathscr Q(1)\) est vraie.
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Hérédité. Soit \(n\) un élément fixé de \(\mathbb{N}^\ast\) . On suppose que \(\mathscr Q(n)\) est vraie et on cherche à prouver que \(\mathscr Q(n+1)\) l’est aussi, c’est-à-dire que : \[\sum_{k=1}^{n+1} k^3=\left[\frac{(n+1)(n+2)}{2}\right]^2\] On remarque pour cela que : \[\begin{aligned} \sum_{k=1}^{n+1} k^3 &= \sum_{k=1}^n k^3 +(n+1)^3 \end{aligned}\] et donc, d’après \(\mathscr P(n)\) : \[\begin{aligned} \sum_{k=1}^{n+1} k^3 &= \left[\frac{n(n+1)}{2}\right]^2+(n+1)^3\\ &=\frac{(n+1)^2}{4}\times (n^2+4n+4)\\ &=\frac{(n+1)^2}{4}\times (n+2)^2\\ &=\left[\frac{(n+1)(n+2)}{2}\right]^2 \end{aligned}\]
ce qui prouve que : \(\mathscr Q(n) \Rightarrow \mathscr Q(n+1)\) .
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Finalement, on a prouvé par récurrence que, pour tout \(n\in\mathbb{N}^\ast\) , \(\mathscr Q(n)\) est vraie, c’est-à-dire que :
\[\boxed{\forall n \in \mathbb{N}^\ast,\ \sum_{k=1}^n k^3=\left[\frac{n(n+1)}{2}\right]^2}\]
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Proposition – Changement d’indice
Soient \(I\) et \(J\) deux parties finies de \(\mathbb{Z}\) et \((x_i)_{i\in I}\) une famille d’éléments de \(E\) . Si \(\sigma\) est une application bijective de \(J\) sur \(I\) , alors : \[\sum_{i\in I} x_i = \sum_{j\in J} x_{\sigma(j)}\]
Remarque
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En pratique, on se limitera le plus souvent à des changements d’indices affines de la forme \(j:=i+1\) , \(j:=i-1\) , ou plus généralement \(j:=i+a\) ou \(j:=a-i\) , où \(a\) est un entier quelconque. Dans chacun de ces cas, il n’est pas nécessaire de mentionner la bijectivité, du moment que le changement d’indice est fait avec soin. En particulier, on a par exemple, si \(p\) et \(n\) sont des entiers et \((x_i)_{p \leqslant i \leqslant n}\) une famille d’éléments de \(E\) : \[\sum_{i=p}^n x_i = \sum_{i=p+1}^{n+1} x_{i-1} = \sum_{i=p-1}^{n-1} x_{i+1}\]
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Pour se familiariser avec le changement d’indice, on pourra dans un premier temps revenir à une écriture en extension ( i.e. avec des …) de la somme, pour mieux visualiser les termes sommés.
Exercice
Si \(n\) désigne un entier naturel, calculer la somme \(\displaystyle\sum_{k=0}^n (k+2)^2\) à l’aide du changement d’indice \(i:=k+2\) .
Solution
On effectue le changement d’indice \(i:=k+2\) (ou \(k:=i-2\) ), l’application \(i\mapsto i-2\) étant bijective de \(\left[\kern-0.15em\left[ {2,n+2} \right]\kern-0.15em\right]\) sur \(\left[\kern-0.15em\left[ {0,n} \right]\kern-0.15em\right]\) . On a donc : \[\begin{aligned} \sum_{k=0}^n (k+2)^2 &= \sum_{i=2}^{n+2} i^2\\ &=\sum_{i=1}^{n+2} i^2-1^2 \end{aligned}\] et alors (n reconnaît une somme de référence) : : \[\begin{aligned} \sum_{k=0}^n (k+2)^2 &= \frac{(n+2)(n+3)\left[2\left(n+2\right)+1\right]}{6}-1\\ &= \frac{(n^2+5n+6)(2n+5)-6}{6}\\ &= \frac{2n^3+15n^2+37n+24}{6} \end{aligned}\] et finalement : pt \[\boxed{\sum_{k=0}^n (k+2)^2 = \frac{(n+1)(2n^2+13n+24)}{6}}\]